dimanche 6 juin 2010

Des racines à poils laineux

Il y a comme ça des fois des thèmes qui vous poursuivent pendant un moment, au point qu'on finit par se demander si c'est quelque chose dans les étoiles, une conjonction spécifique dans un décan idoine, ou si c'est une sorte d'attirance, qui ramène sans cesse aux même thème(s), sans qu'on n'en soit réellement conscient. Ou même si c'est l'entourage qui, à force de se focaliser sur des thèmes finit par en faire une problématique, à laquelle on est bien forcé de réagir…
Par exemple, en ce moment, c'est cette histoire d'origines, de racines, d'identité qui revient sur le tapis tout le temps, et finit par faire question (selon la terminologie du graphiste français de gauche formé dans les eighties).
Pas plus tard que ce matin, voilà-t-il pas que je tombe, en musardant sur la toile, sur cette info : le président du conseil général de la Somme, Christian Manable (PS), s'affole et fait interdire, in extremis, une exposition, de dessinateurs "jeunesse", qui devait se tenir dans la bibliothèque d'Amiens. L'expo en question devant présenter des œuvres à caractère érotique, damned !

Quel rapport avec mes "racines", me direz vous. Et bien je vais vous le dire, sans tergiverser, ni passer par quatre chemins et en allant droit au but. Il se trouve que pendant mon passage sur cette planète, j'ai traîné un certain temps du côté d'Amiens, où quelque ascendant familial m'a fait assidûment fréquenter la bibliothèque. Et même ses coulisses où j'ai pu voir quelques précieux incunables… Voilà pour la question identitaire. Je dois dire que l'ascendant familial en question, s'il m'a donné le goût des livres, aurait sans nul doute désapprouvé le thème de l'expo en question.

Le poil est-il de gauche ?
Là où ça devient grotesque est quand pour se justifier, notre édile déclare que […]deux œuvres, au moins, heurtent mes valeurs de gauche. Je vous laisse découvrir vous même quelles œuvres… Il précise même : La modèle dans le pré donne une image dégradante de la femme, et celle qui a le sexe épilé est ambiguë par rapport à la représentation de l'enfance.
Wowowow ! On se demande un peu sur quelle planète vit le camarade Manable quand même, vu que l'épilation pubienne à l'air furieusement tendance ces derniers temps (ce qui personnellement m'en touche une sans faire bouger l'autre, comme on disait au RPR).
Tout ça me donne plutôt l'impression d'un retour de la pudibonderie et du puritanisme (allez donc jeter un œil ici ou ), qui fait qu'on ne va bientôt ne plus pouvoir rien dire, ou dessiner qui ne soit absolument consensuel, le "consensuel" étant défini par on ne sait qui, mais en tous les cas fermement installé au carrefour du politiquement correct et du principe de précaution. Ce qui m'évoque le fameux dialogue de Pierre Richard et Depardieu* des Bronzés : "—Je sais pas ce qui me retient de vous casser la gueule ! –La trouille peut-être ?"

Donc, ni une ni deux, j'ai farfouillé derechef dans mes archives et j'ai (rapidement) mis la main sur cette belle illustration, qui date du temps où je m'exerçais au dessin vectoriel, sous Freehand®.
Il faut dire (et là je sens que je trahis un secret) qu'étant un dessinateur lambda, avant de commettre des "ouvrages jeunesse", il m'est arrivé, et je le confesse il m'arrive encore, de dessiner des famapoils. Je dois dire même, que j'en connais beaucoup, des dessineux, qui font la même chose, et depuis longtemps. Personnellement, ça a même dû me prendre du temps que j'usais mes fonds de culottes à Amiens justement. Quel pied ! d'être, de la classe, celui qui sait dessiner, parce que justement, tous les copains vous en demandent, des famapoils. Et l'aura que cela procure, au fond de la classe, hé hé, comment dire… ça l'fait.

Enfin, bon, je vais pas m'étendre sur l'importance du croquis de nu dans la formation du dessinateur (illustrateur, peintre, sculpteur). Mais il me semble qu'on devrait prévenir monsieur Manable que non loin de la Bibliothèque d'Amiens se trouve le Musée de Picardie, au sein duquel sont exposés depuis un bon petit moment quelques œuvres du ci-devant Puvis de Chavanne**, grand spécialiste (avec d'Ingres) en représentation king size de famapoils, sans poils. Faudrait voir à s'en occuper, hein, ça n'a que trop duré.


*Il me semble que c'est dans La Chèvre, mais je suis pas sûr. Oui bon, tout le monde peut se tromper…
**Puvis de Chavanne, qu'en mes jeunes années amiénoises, nous avions coutume de surnommer Pubis de Cheval… on s'amuse comme on peut.

PS : Là où ça ne manque pas de sel, c'est que parmi les œuvres censurées s'en trouve(nt) de Zaù, que j'ai croisé à l'institut français de Meknès dont certains murs étaient décorés de gravures coquines et licencieuses de Tomi Ungerer, également décrochées à Amiens !

Et pour la musique, tiens, fidèle lecteurice, une de mes chansons préférées par mon guitariste préféré et des copains/copines, et pour la bonne cause, en plus !

1 commentaire:

THIERRY CHAVANT a dit…

Ce midi j'ai été voir l'expo de Lucian Freud, curieusement j'ai pas entendu ne serait-ce qu'un soupir d'irritation provenant de nos chers responsables face à ce maître de la chair violacée et turgescente. Mais j'imagine qu'il est plus simple d'interdire Ungerer à Amiens que Freud à Paname.

Je retourne dessiner mes femmes à poil.

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