Bonjour, je m’appelle Alexis Logié.
Je suis
graphiste…
J’ai été publicitaire,
directeur artistique dans des magazines féminins, j’ai réalisé la maquette, le « layout » de nombreux journaux et magazines,
illustré de nombreux articles dans la presse et j’ai participé à de
nombreux livres
aussi bien comme directeur artistique, maquettiste, illustrateur pour
livres scolaires, ou illustrateur jeunesse, le rôle dont je retire le
plus de fierté et de prestige.
Après avoir publié six livres
« jeunesse » chez deux éditeurs,
je ne suis maintenant plus illustrateur
jeunesse, je vais vous expliquer pourquoi, mais commençons par le
commencement.
Tout a plutôt bien commencé. Mon premier pas : illustrer un texte de
Mohamed Dib, ce qui ne se refuse pas. Cette première expérience est encore plus remarquable car je me vois décerner le
Prix Grand Atlas, par les services culturels de France au Maroc, attribué pour la première fois à un illustrateur ! Me voilà donc auteur* !
Réalisé sur un texte de
Habib Mazini, publié par les éditions
MARSAM, Rabat « la colère de P’tit nuage » parait en 2005.
Ce
livre a la particularité de s’ouvrir verticalement, ce qui permet la
lecture simultanée des textes arabe et français dans le même sens ! Pour
que cela fonctionne, je réalise les illustrations, en
collage que je photographie moi même, auxquelles je rajoute des éléments
infographiques, ET je me charge également de la mise en page, en
Arabe et en Français. Mise en page que je referai intégralement chez
l’éditeur, pour des questions de compatibilités logicielles.
Le livre est une réussite, à tel point qu’une de mes relations, m’écrit un jour d’Autriche, pour me dire qu’
un éditeur Allemand
souhaite publier « la colère de P’tit nuage » dans une version
Arabe/allemande. Et qu’il souhaite entrer en relation avec auteurs et
éditeur.
Youpi ! Mon long travail pour que ce format voit le jour (il
a été repris plusieurs fois depuis, y compris dans des Maisons qui me
l’avaient refusé précédemment) et va être publié « à l’international
! » Ich freue mich !
Je mets donc
M. Trudewind et M. Chraïbi en relation.
Nous sommes en mars 2009. Je pense alors naïvement qu’
un éditeur
aura à cœur de défendre les intérêts de ses auteurs, et les siens par
la même occasion. D’ailleurs j’ai fait rajouter dans notre accord de
publication que toute réédition, adaptation ou cession de droit ne
serait envisageable qu’à condition d’une négociation avec moi, l’auteur.
J’ai toujours ce document, signé des deux parties.
Puis je n’entends plus parler de cette traduction, le projet comme beaucoup paraît s’être enlisé. Plusieurs de mes courriels, demandant à voir les épreuves, ou au moins un pdf –vu le travail de typo, ça me parait normal– restent sans réponses…
En 2012, je suis invité au salon de littérature jeunesse
de Meknès « La Cigogne volubile » qui met cette année là à l’honneur
Tomi Ungerer. Ironie suprême quand on sait le soin jaloux à garder le contrôle de son œuvre.
J’y
croise en effet M. Chraibi, l’éditeur de « La colère de P’tit nuage »
qui m’annonce que tout va bien, que le livre est superbe et qu’il est
imprimé, vendu et distribué depuis 3 mois, partout en Europe.
C'est à ce moment là que je cesse d'être "illustrateur jeunesse".
Pourquoi subitement tout arrêter ?
Parce que, en fait,
MARSAM,
et nommément M. Chraibi, me raconte benoîtement qu'il a vendu les droits de reproduction de
traduction et d’adaptation sans me consulter (l’auteur du
texte a pour sa part obtenu que le texte ne soit pas traduit de l'arabe vers… l'arabe) et s’arroge au passage 50% du montant de la vente. Vente d’un
montant, donc, de 5000 DH, dont il reste 2500 DH à partager entre les
deux auteurs : 1250 DH.
120 €.
Chacun.
Que j’ai à ce jour
toujours refusé de percevoir.
Ce n’est pas une rémunération, c’est une
aumône.
Une insulte
(de plus il faudrait que je me déplace jusqu'à Rabat
pour la percevoir, genre, j'ai que ça à faire).
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Vous ne voyez pas l'amélioration ? Faites un effort !
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Il faudra encore
plusieurs mois avant que je ne découvre, après avoir été moi même
chercher (à Rabat) un, un seul et unique exemplaire, que plusieurs
modifications ont été apportées.
Le texte n’est plus placé en regard
des illustrations en allemand et se trouve décalé par rapport à l’arabe.
Il y a des fautes, de ponctuation, dues à une médiocre infographie. Des
couleurs ont été modifiées, ainsi que la couverture, qui n’est plus
complètement bilingue. Et ma dédicace a disparu…
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Une dédicace ? On s'en fout de la dédicace ! De l'arabe ? Pourquoi faire ?
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En allemand, il font des phrase à l'envers, qui commencent par des points et des virgules. Autant le savoir
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D’après ce que
j’ai pu lire sur internet, le bouquin a d’
excellentes critiques. Il a,
semble-t-il, été réimprimé (à combien d’exemplaires ?) en 2016 –et
peut-être aussi une autre fois ?– alors que j’ai clairement manifesté mon
désaccord et ma fureur à MM. Chraibi et Trudewind, une fois même face à
face lors d’un de ses passages à Casablanca.
Voilà pourquoi je ne
suis plus illustrateur jeunesse. Et voilà aussi pourquoi je n’encourage
guère mes étudiants à chercher à le devenir.
La culture et la littérature jeunesse se passent de mes illustrations depuis lors.